19 Juillet 2013
projet de réduction du congé parental :
Inciter les pères : oui / Priver les familles : non
Le projet de loi Egalité femme-homme présenté hier au Conseil des Ministres prévoit une réduction de la durée d’indemnisation du congé parental d’éducation à deux ans et demi, pour obliger les pères à prendre 6 mois de congé parental.
Si l’UNAF est favorable à une meilleure égalité entre femme et homme, elle s’oppose à la méthode qui consiste à faire peser la pression sur les familles qui prennent un congé parental plutôt que de s’attaquer aux vraies causes : inégalités salariales entre femmes et hommes, préjugés dans les entreprises sur la parentalité, manque d’information des pères sur le droit aux congés parentaux.
Cette réforme ampute le droit des familles et des parents salariés
Le congé parental est un droit pour tous les parents. Il facilite la conciliation famille/travail en permettant aux parents de travailler à temps partiel ou de suspendre leur activité professionnelle jusqu’aux 3 ans de l’enfant, dès lors qu’ils ont 2 enfants.
Obliger le partage pour 6 mois de congé n’a pas de sens car la majorité des pères ne le prendront pas : de nombreuses situations ne permettent pas de prendre un congé (emplois non salariés, déplacements géographiques, etc.). Les familles verront donc leurs droits amputés de six mois.
Cette réforme concernera à la fois les 296 000 parents à taux plein, mais aussi les 226000 personnes à taux réduit qui travaillent à temps partiel. Concrètement des femmes travaillant à temps partiel se verront privées de 6 mois d’indemnité du CLCA et des points de retraite afférents.
Autre contradiction, cette réforme élimine le COLCA : un congé plus court et mieux rémunéré à partir du 3e enfant qui permet un retour professionnel plus rapide. L’UNAF est donc opposée à sa suppression.
L’UNAF n’est pas la seule à contester cette réforme : le Haut Conseil de la Famille l’avait rejeté en 2010 estimant qu’il fallait avant tout résorber le manque de places d’accueil, et le Conseil d’Administration de la CNAF vient d’y donner un avis défavorable à une très large majorité.
Cette réforme est très pénalisante pour les familles confrontées au manque de places d’accueil
Si les pères ne peuvent pas prendre leurs 6 mois, les familles devront trouver une solution de garde jusqu’à l’entrée à l’école.
Or, il manque déjà en France 350 000 places d’accueil. Selon les chiffres du HCF, une réduction de ce congé augmenterait encore le besoin de 40 000 à 80 000 places supplémentaires. Les 275 000 créations de places d’accueil de la petite enfance annoncées par le Premier Ministre ne suffiront donc pas.
Par ailleurs, certaines situations obligent à la suspension de l’activité professionnelle : les personnes travaillant le soir et le week-end, les familles habitant dans les zones sous dotées en modes d’accueil (zone rurale, DOM…), les familles accueillant des naissances multiples, les familles dont l’enfant est en situation de handicap et plus généralement toutes celles qui n’ont pas d’autres choix.
Sans congé ni solution d’accueil adaptée leur permettant de reprendre leur travail, certains parents seront contraints au chômage.
Cette réforme ne s’attaque pas au fond du problème
Alors que la question est l’égalité professionnelle entre femme et homme, quel est l’intérêt d’une réforme qui ne concernera que très peu de pères et qui ne créera aucune obligation pour les entreprises ?
Il faut s’attaquer aux vraies raisons pour lesquelles si peu de pères ont recours au congé parental :
¡ Le manque d’information est patent : d’après l’INSEE, 1/3 des pères disent ne pas savoir qu’ils ont le droit de prendre un congé parental.
¡ Les inégalités salariales aussi sont en cause. Quand les femmes gagnent en moyenne 26 % de moins que les hommes, il est normal que les couples privilégient la moindre perte de revenus. Or, contrairement à d’autres pays, cette réforme ne prévoit aucune revalorisation de l’indemnisation du congé, ce qui n’aide pas les familles à partager.
¡ Les stéréotypes en entreprise sur l’implication des pères et plus largement des parents est aussi en cause. En jetant l’opprobre sur la durée du congé parental, cette réforme est contreproductive car elle n’aide pas les pères à être reconnus par leur employeur, et prive les mères pour qui le congé de 3 ans est un acquis.
Compte tenu du faible impact escompté, cette mesure relève plus de l’affichage que de l’efficacité. La bonne méthode consisterait à permettre aux pères qui souhaitent déjà s'occuper davantage de leurs enfants, de pouvoir le faire, et ce, sans sacrifier les droits accordés aux femmes.
Nos propositions alternatives pour une réforme incitative
L’UNAF souhaite que soient mises en place des mesures qui permettent réellement aux pères de prendre leur place aux côtés de leurs enfants :
L’UNAF est naturellement favorable à l’allongement du congé parental de 6 mois pour les pères dès le premier enfant comme la réforme le propose, car c’est une incitation et non une contrainte. Elle propose d’évaluer les effets de cette mesure avant d’imaginer d’autres changements.
Sous couvert d’égalité, l’UNAF voit surtout dans la réduction du congé parental une nouvelle mesure d’austérité pour les familles, déjà fortement mises à contribution. L’UNAF demandera donc aux Parlementaires de bien peser les conséquences de cette réforme sur les territoires en termes de contraintes pour les familles, d’augmentation du chômage et de tension accrue sur les modes d’accueil.